L’entreprise n’est pas un produit financier
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by par Yves-Marie Debois Brunet
L’entreprise n’est pas un produit financier
Une formation généraliste… sans confusion des genres
Dans notre école, on vous offre plusieurs formations, principalement le marketing, la gestion financière et les ressources humaines, en insistant bien sur le fait que, s’il est vrai que l’on vous destine à être de bons généralistes, il convient de ne pas mélanger les genres, et de bien prendre conscience de la différence entre eux.
Car c’est d’avoir mélangé les genres qui a conduit à la catastrophe du groupe Casino, naguère encore l’une des plus grandes enseignes mondiales de la distribution, avec 15.000 magasins disséminés dans sept pays et un chiffre d’affaires de plus de 48 milliards d’euros, mais aujourd’hui réduite à peu de chose, et dont l’action ne vaut plus que quelques centimes, contre 110 euros il y a dix ans. Comment en est-on arrivé là ?
Le cas Casino : une success story devenue piège financier
Rappelons d’abord brièvement l’épopée de Casino. Ce magasin est né à Saint-Etienne en 1898, dans une ancienne salle de casino achetée par Geoffroy Guichard, ce qui explique un nom qui a pu vous étonner de la part d’une enseigne. Pour continuer un peu dans l’anecdote, le logo écrit en lettres vertes a donné sa couleur à l’équipe de football de la ville, qui au milieu des années 70 a été la vedette du pays. La marque a ensuite acheté Franprix et Leaderprice en 1997, et d’autres encore, dont Géant, sans compter le commerce en ligne avec C-Discount. Bref, une success story qui a fini par susciter l’intérêt de Jean-Charles Naouri, formé à la finance à Harvard, puis élève de l’ENA avant d’être appelé à diriger le cabinet de Pierre Bérégovoy au ministère des Finances, puis bien décidé à voler de ses propres ailes.
Son idée est simple, et elle est imprégnée de la mentalité de l’époque qui a précédé la crise de 2008, dans un contexte de financiarisation extrême de l’économie. En 1991, il achète la marque Rallye, alors en difficulté, et s’appuie sur cette marque pour acquérir ensuite Casino, mais surtout pour construire une pyramide dont le sommet est un fonds d’investissement, Euris, puis à l’étage au-dessous, Finatis, puis encore en-dessous Foncière Euris, enfin Rallye, et à sa base, devant produire de l’argent frais, Casino. Chacune de ses acquisitions a été réussie avec peu de fonds, les autres structures devant rembourser les emprunts.
Une pyramide de dettes révélatrice d’un système malade
Vous aurez remarqué que j’ai parlé de ce montage non pas comme d’une tour, mais comme d’une pyramide. Car en effet, elle ressemble, à sa manière, à celle de Ponzi, consistant à prendre à Pierre pour donner à Paul, même si la comparaison n’est pas tout à fait juste, car le système de Ponzi, lui, fonctionne en circuit fermé. En l’occurrence, ici, le système peut fonctionner, à condition que l’activité générale génère suffisamment d’argent pour entretenir… mais entretenir quoi, au juste? Entretenir la dette.
Il y a dix ans, celle-ci approchait les 6 milliards, mais les créanciers comme les actionnaires mettaient cela sur le seul compte de l’investissement, supposé vertueux et rentable à terme. Or, en réalité, les dettes qui s’accumulaient ne reposaient que sur les bénéfices de Casino. À la limite, si personne ne s’en était rendu compte, il n’y avait plus qu’à espérer que Casino maintiendrait ses performances, encore que l’endettement croissant eût probablement dépassé sa capacité à l’amortir. Mais du jour où des agences de notation ont révélé le risque, les banques ont resserré les crédits, et l’ensemble est apparu pour ce qu’il était devenu : une pyramide de Ponzi.
Ce qui n’avait été qu’une prise de risque au départ était devenu une arnaque pure et simple. Mais entre les deux, il y avait une confusion des genres qui est la marque même de la financiarisation de l’économie, souvent un euphorisant, toujours une maladie.
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