Le coût de la vie hier et aujourd’hui

Le retour de l’inflation a tendance à faire germer dans l’esprit d’un grand nombre l’idée qu’autrefois, décidément, la vie était moins chère qu’aujourd’hui. C’est un réflexe bien connu, et aussi bien compréhensible, mais sur le fond, que faut-il en penser quand on perce l’épaisseur des siècles ?

Le coût de la vie : l’alimentation

Commençons par le plus important, l’alimentation. Il existe sans doute de fortes disparités de coût entre les temps anciens et aujourd’hui, mais seulement sur certains produits, pas sur la nourriture en général. Les œufs d’esturgeon, par exemple – qu’on appelle de nos jours le caviar, un nom persan – ne valaient rien sous l’antiquité, ils étaient méprisés même, on les donnait à manger aux cochons. Le homard était surnommé « le cafard des mers » tant il était dévalué.

Il est des produits qu’on ne peut pas comparer entre eux, parce qu’on ne les connaissait pas, comme la tomate ou la pomme de terre, mais généralement, on peut dire que le coût de l’alimentation n’a pas beaucoup changé. Certes, jadis, le pain est le roi des aliments, mais on mange de la viande domestique tous les deux jours (disons en moyenne, donc en tenant compte des fluctuations observables dans les siècles) sans compter le petit gibier que l’on se procure par soi-même. La nourriture pouvait être jadis abondante : en Egypte on pratiquait l’élevage des poulets aussi bien que celui des ovins et bovins.

Cela dit, dans la chrétienté ancienne, de nombreux jours étaient prévus sans viande pour raisons religieuses, ce qui relativise évidemment la statistique. Mais ce qui reste vrai, c’est qu’un ouvrier romain gagnait quotidiennement de quoi manger deux kilos de bœuf, en parité de pouvoir d’achat. L’alcool était moins cher, on buvait deux à trois litres de vin par jour, mais un vin beaucoup moins fort qu’aujourd’hui, et en des temps où les hommes se dépensaient beaucoup au travail physique. Enfin, le sel, contrairement à la légende, ne valait pas le prix de l’or, même si on l’appelait « l’or blanc » à cause du service qu’il rendait dans la conservation des aliments.

En vérité, les facteurs de la pauvreté ou de l’appauvrissement étaient liés aux guerres, aux épidémies, aux maladies du pain comme celle de l’ergot de seigle, plus qu’à la capacité de la population à se nourrir.

Le coût de la vie : les services

S’agissant des services, les prix sont souvent stables du fait même de leur utilité. Se faire coiffer, par exemple, ne peut pas être trop cher, sinon on ne se coifferait pas, donc ce qu’exigeait le coiffeur (le barbier) à Rome est équivalent à ce que vous demande votre coiffeur aujourd’hui.

Ce qui change vraiment entre notre époque et les précédentes, c’est le coût du logement. Il atteint 30% de notre budget aujourd’hui, quand il ne montait qu’à 10% dans les siècles passés. C’est pourquoi on peut s’attendre à ce que naissent des tensions de ce côté. La surface disponible se réduit de plus en plus, et beaucoup d’entre nous qui n’ont pas de moyens suffisants sont contraints de se déporter dans des régions éloignées des centres équipés en services publics et autres infrastructures : c’est ce que Christophe Guilluy appelle la « France périphérique », à l’origine de la révolte des Gilets jaunes ; une révolte matée, mais pour combien de temps ?

 

Sources :

• https://www.insee.fr/fr/statistiques/2122401

• https://france-inflation.com/index.php

• https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/24/inflation-faut-il-s-inquieter-de-l-envolee-des-prix-dans-la-zone-euro-cinq-questions-pour-comprendre_6110793_3234.html

 

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