Les inégalités sociales en France

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Nous avons déjà dressé un état des lieux de l’économie française à l’occasion de la dernière élection présidentielle, pour dessiner les contours de la tâche qui attend le président réélu. A l’occasion des législatives qui ont suivi, nous avons assisté à une poussée inattendue de la droite populaire qui, en principe, devrait mettre en lumière l’état de nos inégalités sociales, auxquelles on a substitué depuis des décennies les questions sociétales, susceptibles de créer des clivages suffisants pour faire passer la première question au second plan. Et pourtant, pour paraphraser Galilée, et pourtant, elles existent.

Le bilan des inégalités sociales en France : depuis 1789

Si l’on suit des courbes statistiques partant de la Révolution française, on découvre à quel point la politique est décidément le royaume de l’imaginaire. En 1789, 1% des Français possédait 60% de la richesse nationale. Un chiffre supérieur de 10% seulement à celui des Etats-Unis aujourd’hui : gageons que les Américains, dont l’idéologie fondatrice joue le rôle d’un mythe fondateur, seraient très étonnés de l’apprendre. Après la Révolution et sous le règne d’un Napoléon encombré d’une guerre interminable et coûteuse déclarée avant lui par la République, le 1% plus riche ne possédait « plus que » – si l’on peut dire – 50% de la richesse nationale – comme en Amérique aujourd’hui, donc – avant de retrouver, à la veille de la Grande Guerre, son niveau d’avant 1789 : 60%. Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Révolution française n’a pas dispersé la concentration des richesses, elle a seulement ébranlé l’échelle politique au profit de la bourgeoisie, l’échelle sociale restant identique.

Le bilan des inégalités sociales en France : l’après guerre

Mais la ruine de la rente due aux deux guerres mondiales, ajoutée à une politique authentiquement distributive, ont fait tomber ce chiffre à 20% sous les années Pompidou, très certainement sous la pression des luttes sociales – aujourd’hui abandonnées, nous venons de le dire, au profit de luttes sociétales qui intéressent bien plus les riches que les pauvres, car il faut avoir des moyens pour s’offrir une GPA, par exemple. Ainsi, ceux qui, à gauche, défilaient en 1970 en chantant « Ohé, ohé, Pompidou, Pompidou navigue sur nos sous ! », seraient bien étonnés d’apprendre aujourd’hui qu’ils combattaient alors la société la moins inégalitaire de leur histoire. Puis, avec la fin des Trente glorieuses et l’encouragement d’une immigration constituant une vaste « armée de réserve de travailleurs », pour reprendre une expression de Marx, l’accaparement par ce 1% des Français d’une part toujours plus grande de la richesse a connu une remontée à 22%, ce qui d’ailleurs est toujours moins que l’Angleterre à 25%, l’Allemagne à 30%, et la Suède, paradis de la social-démocratie, à 37%. Donc la France est, avec l’Italie, la moins inégalitaire des grandes puissances européennes.

Elargissons maintenant du centile au décile supérieur. En 1789, ce décile possédait 90% du patrimoine. La confiscation des biens du clergé et de ceux de quelques grandes familles a fait « chuter » – si l’on peut dire – ce chiffre à 80% après la Révolution, ce qui était loin d’être vertigineux ; avant de retrouver son niveau de 1789 à la veille de la Grande Guerre. Comme pour le 1%, son niveau le plus bas a été atteint sous Pompidou, descendant – toujours si l’on peut dire – à 60% du patrimoine en 1975. La tendance est à la hausse, car si, auparavant, il était avantageux d’épouser un conjoint ayant une belle situation professionnelle, aujourd’hui il vaut mieux que ce conjoint possède plutôt un appartement à Paris. Quant aux 50% les moins favorisés de la population, ils n’ont jamais détenu plus de 10% de la richesse nationale ; alors, compte tenu du fait que, comme l’enseigne François Piketty dans son ouvrage L’Economie des inégalités, le taux de croissance est aujourd’hui plus faible que le rendement du capital, on peut penser que le transfert fiscal devrait toucher bien plus le capital que le revenu.

 

Sources :

• https://www.inegalites.fr/La-mesure-des-inegalites-qu-est-ce-qu-un-decile-A-quoi-ca-sert

• https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2015-4-page-113.htm

• https://www.dygest.co/thomas-piketty/l’economie-des-inegalites

 

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